Pas envie de rester derrière l'ordi alors que le soleil cogne à mon carreau , alors les posts élaborés viendront plus tard.
En vrac des petits bouts de poésie quotidienne capturés avec mon arme rose fluo: mon téléphone.


ISO | 400 |
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Exposition | 1/13 s |
Ouverture | 5.6 |
Longueur focale | 200mm |
Danse métallique. Pluie d’étincelles scintillantes. Le vent s’engouffre le long des entrelacements du grillage du Pont des Arts et vient caresser de ses douces mains les milles petits cadenas d’amoureux qui ornent depuis longtemps le Pont des Arts. Ils ont bleus, roses, peinturlurés de vert, rectangulaires, carrés ou en forme de cœur. De toutes les formes ou de toutes les couleurs pour ne symboliser qu’une seule chose, une seule petite chose et pourtant si précieuse : l’Amour…
« Trop petite, peut-être… » ai-je envie de penser tout haut lorsque je m’approche de l’un d’eux et le prend au creux de ma main « mais si précieuse, qu’elle vous fait des bleus à l’âme… »
J’ai beau le retourner dans tous les sens, et le serrer très fort, il ne disparait pas et ne perd en rien de son aura. Il évoque à chaque fois les mêmes souvenirs. Fracas de rires échangés, de ma voix grave à son son cristallin. Une danse sur la pointe des pieds, emprisonnée dans un instant d’innocence, entre tous les passants du week end qui aiment s’égarer dans le quartier aux premières lueurs de l’été. Deux mains qui se joignent et qui se font une promesse. J’avais alors pris le cadenas pour écrire ces mots alors qu’elle me les susurrait à l’oreille :
« Je t’aime… à tout jamais… »
Cinq petits mots. Si vite écrits. Si vite repartis. Cinq petits mots si forts. Tellement forts qu’ils semblaient s’inscrire dans l’éternité… et en même temps, s’évaporer dans le souffle de la vie.
Et en un tour de clé, notre destin du moment était scellé. Et la clé, sans insouciance, avait été jeté par-dessus bord. Trop d’insouciance…
A présent, je voudrais tirer dessus de rage. Mais rien n’y fait, ce cadenas trop content de jouer avec les siens, s’accroche fort de ces bras potelés au grillage. Et quelque part, j’aurais trop peur de réussir, et de faire alors tomber d’un coup tous les autres cadenas amoureux. Toutes ces histoires, toutes ces promesses… De quel droit alors je viendrais briser l’amour de milles couples à la ronde ?...
Il parait pourtant que la Mairie de Paris voudrait les enlever. Une question de respect du patrimoine de la ville, ou quelques chose dans le genre… Ils feraient bien ! D’abord ca me donnerait bonne conscience, et ensuite cela éviterait à tous ces couples de se faire des fausses promesses…
Ils sont tous là sur le pont, les futurs cadenas ; ce couple espagnol qui se chamaille en se mettant des bouts de glace sur le visage, ou encore celui la sur la rambarde, qui regarde tendrement, bras dessus dessous, les bateaux mouches passer… Trop d’espoir, trop de souffrances…
La Mairie de Paris, à défaut de gérer ses lignes de métro, saura au moins faire le ménage en Amour… quitte à déclencher des grèves du Cœur ?
Mais la rumeur voudrait que ce soit pour déplacer tous ces cadenas sur un arbre dans le plus pur style Burtonien. Ou que je sois, quoique je fasse, ce petit cadenas sera toujours là, que ce soit pour me narguer en plein paris, ou en haut d’une branche. Mon passé sera toujours là, quelque part dans Paris, et impossible de le fuir…
Un Amour peut il résister à toutes les tempêtes, toutes les bourrasques ? Au lever du matin, lorsque l’arbre s’ébrouera, chaque goutte de pluie sera des millions de souvenirs qui me tomberont sur le visage pour se muer, le long de ma joue, en une larme.
Fracas de rires. Une danse sur la pointe des pieds, emprisonnée dans un instant d’innocence. Deux mains qui se joignent et une promesse. Cinq petits mots, cinq petits mots si forts qui retentissent pour l’éternité : « Je t’aime… à tout jamais… »
Les années ont passé. L’amour à fait place à des déceptions et aux blessures. Mais ou que je sois, quoique je fasse, ces beaux souvenirs existeront… « à tout jamais ». Et peut être que ce sont eux que je dois continuer à aimer, ne jamais renier, car les m’ont mené jusqu’ici.
Ces cadenas qui dansent au vent, qui voient passer tous les passants, ce n’est pas une preuve d’amour, c’est surtout la preuve d’une vie, une vie qui a aimé, qui a ri, qui a dansé, et qui a explosé pour l’éternité. Alors elle a bien le droit de s’accrocher très fort de ses petits bras potelés au grillage.
Qu’ils soient sur un arbre, ou un grillage, qu’ils se balancent au bout d’une branche ou qu’ils dansent le long d’un pont, ils continuent de faire battre mon cœur et sont la preuve d’un instant d’un instant de bonheur… que « j’aime… à tout jamais ».
Damien Virgitti
EDIT
Pour la petite histoire, le jour où j'ai pris ces photos j'ai assisté à une demande en mariage dans les règles de l'art: genou à terre, boite de velours rouge, diamant étincelant, la surprise de la future mariée, et son Oui qui se finit dans les bras du jeune homme.
La fleur bleue que je suis a adoré!
Les histoires sur les Gelf sont bientôt devenues des légendes que les marins s’échangent entre deux pintes de bières bien mousseuses, mais on devine à travers leur regard, l’effroi de ne plus jamais avoir accès à ces connaissances des temps anciens et surtout, la tristesse de ne jamais connaître le lieu de repos des Gelf, qu’on dit aux allures enchanteresses.
La mer est ainsi devenue au fil des ans, à mesure qu’elle étendait son emprise à coups de flots d’écumes dans la terre, un mur insurmontable et indomptable qui sépara à tout jamais notre monde d’une dimension supérieure inaccessible.
Pourtant une ultime légende persiste, mais qu’on ne préfère que murmurer dans des étroites ruelles à la faible lueur d’un lampadaire à la nuit tombée. Celle d’un jeune Gelf qui, trop triste de ne plus revoir ses prairies verdoyantes où il aimait jouer dans ses premières années, aurait lâché son pipeau de bois sur le pont du bateau qui l’emmenait, et aurait pris soin, tout en restant caché de ses ainés, de planter des piliers de bois dans la mer, à mesure que le bateau s’enfonçait dans la brume. Une manière de pouvoir retourner sur terre quand il aurait atteint l’âge d’être un fier guerrier, et des indices pour nous montrer le chemin à suivre.
Ce sont ces fameux poteaux de bois qui ne se dévoilent que quand la mer se retire, l’écorce usée par la mer qui s’acharne à retirer ces marques d’un passé qu’on voudrait nous faire oublier. Notre dernier lien vers ce qui fut, ce qui est toujours et sur ce qui sera… Si on en suit la longue perspective, on aurait la chance, dit-on, d’entrapercevoir un monde de lumières qui emplirait nôtre âme d’un tout nouveau regard sur les choses et la nature.
N’entendez vous donc pas, le soir, sur les plaines des plages, quand le vent souffle dans vos cheveux, qu’il ramène aussi des paroles de ces anciennes créatures qui nous ont laissé le monde ?
Et on dit qu’au lever du jour, au moment où le soleil s’irradie pour chanter le possible retour des Gelfs, il suffirait de suivre à cloche pieds les flaques laissées sur la plage par la mer à peine éveillée, suivre cette longue lignée de poteaux comme pour enlever successivement les ombres de notre cœur et les oripeaux de notre vie désenchantée pour nous rendre notre émerveillement d’enfant. Et alors, au bout du chemin, au bout de cette infinie route pavée d’ombres, notre âme serait aspirée par le cœur chaud et ardent du soleil pour nous faire enfin respirer la beauté du monde.
Damien Virgitti