Je cours, je cours à perdre haleine sur la plage vide.
Une seule vision : la mer, cette vaste étendue d’eau, à la rencontre de cette ligne entre le ciel et la mer, qu’on appelle… l’horizon.
On m’a dit de prendre de l’élan, de ne pas penser à la température de l’eau. Alors j’ai couru. Pour ne plus laisser que des traces derrière moi.
Plus rien n’existe autour de moi.
Le vent essaie de me rattraper, mais je le dépasse sans cesse.
Il n’y a plus que moi. Et mon souffle.
Que va t-il se passer là-bas ? Une fois que j’aurais plongé la tête sous l’eau ? Nouvelles sensations : le froid de l’eau, la tête qui hurle, le visage et les cheveux mouillés, l’agitation de l’écume…
Mais avant, il n’y a plus que moi, et mon souffle. Je suis comme libre.
Je repense au voyage : les 4h de route sous un soleil de plomb, la musique à fond. Les cd tournent dans le lecteur, mais aussi les cris, les rires, les crises de panique quand on arrive aux péages. Les aires d’autoroute à choisir avec précaution, les premières photos. Et demain, dans quelques jours, le retour au boulot, les mêmes grimaces avec les collègues, les courses dans le métro.
A mesure que je cours, les souvenirs se mélangent et s’emmêlent : les soirées entre amis, les fous rires incontrôlés sur un lit avec des filles, les parties d’Uno endiablées, les cerveaux qui s’échauffent, à mesure qu’avance la nuit, pour refaire le monde et souder des amitiés. Les prises de têtes au boulot, les sourires de nouvelles rencontres qu’on devine à travers les éclairages d’une boîte de nuits. Les retours chez soi, seul, noyés dans la fumée des cigarettes...
Je cours. Entre Passé. Et Avenir. Peut être qu’à la surface, je reviendrais différent.
Tout semble plus simple dans cette course. Je fonce.
A mesure que je cours, mes pieds s’enfoncent dans le sable et semblent se faire plus lourds, mais je continue de ne laisser que des traces derrière moi.
Tous les souvenirs se succèdent et semblent faire sens en m’entraînant au creux de la vague.
« Fifty-five… three… » égrenait un arbitre invisible dans la pub Farenheit de Christian Dior. Au bout de la mer, l’homme y trouvait un pont qui le ramenait sur d’autres rivages. Et moi, dans quelle réalité vais-je échouer ?
Ma vision se trouble. Des larmes s’échappent aux coins de mes yeux, au contact du vent. Plus rien ne semble m’arrêter. Je pourrai continuer sur ma lancée, traversant la mer sur une nouvelle route constituée par les reflets du soleil.
Les traces de mes pas seraient alors avalées par la mer. Et je disparaitrai, dans l’ombre, dans l’horizon. Pour aller vers une de ces îles de légendes. Pas celle avec le monstre de fumée ou l’ours polaire à l’air déphasé. Non, vers une île où je disparaitrai à jamais, à travers les voiles de l’oubli, où je rejoindrais tous mes souvenirs. Vers une île noyée par le soleil, où je pourrai être éternellement heureux.
Les accolades entre amis, les silences entre couples qui veulent soudain tout dire, les déceptions….
Mes pieds traversent enfin la surface recouverte d’une fine couche d’eau, dessinant dans un étrange miroir, le reflet d’une réalité inversée.
Les premières vagues veulent m’arrêter mais je continue. L’écume se fracasse sur mes jambes de plomb. Les souvenirs s’enchaînent plus rapidement dans un montage épileptique. J’ai envie de crier. Et de rire. Et de vivre.
Mes jambes commencent à s’engluer dans l’eau, les vagues commencent à me piéger. C’est le moment. Je tends les bras, et je plonge en avant.
Une fois franchi les eaux profondes, plus rien ne sera comme avant. Je remonterai à la surface, vers ce miroir mouvant qui m’attire, loi de la gravité oblige, et derrière… un nouveau monde, la matrice d’une nouvelle réalité…
Une Renaissance.
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