On raconte, dans les légendes de temps oubliés, que le monde, avant d’être tel que nous le connaissons, n’était que nature et enchantement. Et que les terres étaient foulées par d’étranges créatures répondant au nom de Gelf. Les Gelf avaient à la fois un physique semblable au notre, et en de nombreux points différents. Ils chérissaient la nature et ses humeurs plus que tout : par leur caractère, leurs gestes et leurs chants. Mais le monde dépérissait et dut bientôt changer d’ère. Comprenant parfaitement les changements et les mouvements de leur terre bénie, les Gelf décidèrent de se retirer pour laisser le monde aux mains des hommes qui firent leur apparition, et ils prirent le large dans une grande procession. On raconte d’ailleurs que leur départ a déchainé les éléments : tous les vents ont dansé toute la nuit pour déclencher la plus grande des tempêtes et les vagues, décharnées et hurlantes, se sont hissées jusqu’aux plus hauts des bâtiments. Comme si la terre leur livrait son bouquet final en guise d’adieu. Et tous les soirs, le soleil se couche d’une lumière rouge sang en hommage à ces êtres qui ont disparu à tout jamais. C’est à cause de cette tempête que pendant de nombreux siècles, les hommes ont eu trop peur de prendre la mer, peur de se laisser emporter par des lames de fond mortelles, et peur de se perdre dans un horizon infini pour ne plus jamais en revenir.
Les histoires sur les Gelf sont bientôt devenues des légendes que les marins s’échangent entre deux pintes de bières bien mousseuses, mais on devine à travers leur regard, l’effroi de ne plus jamais avoir accès à ces connaissances des temps anciens et surtout, la tristesse de ne jamais connaître le lieu de repos des Gelf, qu’on dit aux allures enchanteresses.
La mer est ainsi devenue au fil des ans, à mesure qu’elle étendait son emprise à coups de flots d’écumes dans la terre, un mur insurmontable et indomptable qui sépara à tout jamais notre monde d’une dimension supérieure inaccessible.
Pourtant une ultime légende persiste, mais qu’on ne préfère que murmurer dans des étroites ruelles à la faible lueur d’un lampadaire à la nuit tombée. Celle d’un jeune Gelf qui, trop triste de ne plus revoir ses prairies verdoyantes où il aimait jouer dans ses premières années, aurait lâché son pipeau de bois sur le pont du bateau qui l’emmenait, et aurait pris soin, tout en restant caché de ses ainés, de planter des piliers de bois dans la mer, à mesure que le bateau s’enfonçait dans la brume. Une manière de pouvoir retourner sur terre quand il aurait atteint l’âge d’être un fier guerrier, et des indices pour nous montrer le chemin à suivre.
Ce sont ces fameux poteaux de bois qui ne se dévoilent que quand la mer se retire, l’écorce usée par la mer qui s’acharne à retirer ces marques d’un passé qu’on voudrait nous faire oublier. Notre dernier lien vers ce qui fut, ce qui est toujours et sur ce qui sera… Si on en suit la longue perspective, on aurait la chance, dit-on, d’entrapercevoir un monde de lumières qui emplirait nôtre âme d’un tout nouveau regard sur les choses et la nature.
N’entendez vous donc pas, le soir, sur les plaines des plages, quand le vent souffle dans vos cheveux, qu’il ramène aussi des paroles de ces anciennes créatures qui nous ont laissé le monde ?
Et on dit qu’au lever du jour, au moment où le soleil s’irradie pour chanter le possible retour des Gelfs, il suffirait de suivre à cloche pieds les flaques laissées sur la plage par la mer à peine éveillée, suivre cette longue lignée de poteaux comme pour enlever successivement les ombres de notre cœur et les oripeaux de notre vie désenchantée pour nous rendre notre émerveillement d’enfant. Et alors, au bout du chemin, au bout de cette infinie route pavée d’ombres, notre âme serait aspirée par le cœur chaud et ardent du soleil pour nous faire enfin respirer la beauté du monde.
Damien VirgittiPour les plus attentifs, c'est la deuxième fois que j'accompagne mes images des textes de Damien.
J'ai la chance d'avoir autour de moi des gens doués et talentueux, dont Damien qui est un maître dans l'art de nous raconter des histoires fabuleuses, pleines de poésie, de fantasque, d'imaginaires lointains...d'enchantements tout simplement!
J'ai la chance que parfois mes séries de photos l'inspirent (du coup je me creuse aussi la tête pour que ce soit le cas) et qu'il accepte de m'écrire des textes...
Ça serait bien que ce travail à 4 mains reviennent plus souvent non?! Qu'en pensez-vous
BONUS:
Texte à lire avec cette musique en fond, elle a accompagnée Damien pendant son écriture et j'avoue le combo texte/musique (et un peu image, allez tant qu'à faire) m'a filé des frissons.
Magnifique la 3ème photo. Je lirai le texte plus tard car il est l'heure d'aller bosser!!
RépondreSupprimerLe texte est vraiment bien écrit... mais j'ai un tel rapport avec ce genre de poteaux (et oui, j'ai grandi avec eux), que je n'ai pas accroché. :/
RépondreSupprimerPour moi ça évoque tellement autre chose, absolument rien de légendaire ou de magique, mais quelque chose d'intime et de très personnel, lié à tellement de souvenirs que je ne suis pas du tout entrée dans le texte.
Où donc ont été prises les photos ? (je suis curieuse :) )
Ces photos ont été prises entre Berck et Merlimont dans le 62 (d'ailleurs plus du coté Berck).
RépondreSupprimerJe comprends ton ressenti. Quand on a un passif avec un objet ou un endroit, que celui ci nous raconte plein de souvenirs, on ait du mal à y accoller autre chose.
Mais c'est aussi ce qui est chouette, je trouve avec la photo et l'art en général c'est qu'une même image, raconte mille choses et que chacun y voit ce qu'il veut. et en vraie curieuse, moi j'aime bien savoir ce que ça evoque chez les autres ;)
Ah ba si les deux s'y mettent, ça sent la conspiration. Moi je dis bravo, merci de mélanger vos talents, et encore ! et puis, je les connais pas ces poteaux, alors mes pensées sont ouvertes à toutes les légendes
RépondreSupprimerla troisième est top c'est clair !! c'est l'action de la mer sur le bois (enfin moi j'dis ça j'dis rien hein ...) et le texte est très sympa aussi !
RépondreSupprimerla dernière photo est de toi aussi ??
j'espère que si je monte chez mes cousins (c'est par là-bas et oui !) cet été il n'y aura pas trop de monde sur la plage -_- !
Oui toutes les photos sont de moi! Pourquoi? ta question m'intrigue!
RépondreSupprimerLes plages ne sont jamais archi blindées, et non ce n'est pas parcequ'il fait froid, c'est juste que ce sont des étendues de plusieurs KM, donc tu peux, en marchant un peu eviter les foules...hate de voir ta vision du coin du coup!
QJSP, je reflechis à comment utiliser tes doigts talentueux dans la collaboration et je crois avoir trouvé!
ah ben en fait je pensais que la dernière datait d'il y a quelques années, avec le noir et blanc et un côté rétro ...
RépondreSupprimer+ le texte tout ça me faisait penser à une photo de toi petite ;)
bon ben j'espère voir ces plages cet été alors ^^